Du Domaine De La Sarronnaise

Du Domaine De La Sarronnaise Russkiy Toy (Petit Chien Russe)

Russkiy Toy (Petit Chien Russe)

La Complainte du CHIEN

La Complainte du CHIEN


   Texte de Gilbert Dumas.



Quand j'étais un chiot, je t'ai amusé avec mes cabrioles et t'ai
fait rire. Tu m'as appelé ton enfant, et en dépit de plusieurs
chaussures mâchées et quelques oreillers assassinés, je suis devenu
ton meilleur ami. Toutes les fois que j'étais méchant tu agitais ton
doigt vers moi et me demandais " Comment est-ce possible ? ", mais
après on s'amusait ensemble.


Mon éducation a pris un peu plus longtemps que prévu, parce que tu
étais terriblement occupé, mais nous y avons travaillé ensemble. Je
me souviens de ces nuits où je fouinais dans le lit et écoutais tes
confidences et rêves secrets, et je croyais que la vie ne pourrait
pas être plus parfaite.


 


Nous sommes allés pour de longues promenades et courses dans le
parc, promenades de voiture, arrêts pour de la crème glacée (j'ai
seulement eu le cornet parce que " la glace est mauvaise pour les
chiens, " comme tu disais), et je faisais de longues siestes au
soleil en attendant que tu rentres à la maison.


 


Progressivement, tu as commencé à passer plus de temps au travail et
à te concentrer sur ta carrière, et plus de temps à chercher un
compagnon humain. Je t'ai attendu patiemment, t'ai consolé après
chaque déchirement de coeur et chaque déception, ne t'ai jamais
réprimandé au sujet de mauvaises décisions, et me suis ébattu avec
joie lors de tes retours au foyer.


 


 


 


Et puis tu es tombé amoureux. Elle, maintenant ta femme, n'est pas
une "personne chien ", mais je l'ai accueillie dans notre maison,
essayé de lui montrer de l'affection, et lui ai obéi. J'étais
heureux parce que tu étais heureux.


Ensuite les bébés humains sont arrivés et j'ai partagé votre
excitation. J'étais fasciné par leur couleur rose, leur odeur, et je
voulais les pouponner aussi. Seulement vous vous êtes inquiétés que
je puisse les blesser, et j'ai passé la plupart de mon temps banni
dans une autre pièce ou dans une niche. Oh, comme je voulais les
aimer, mais je suis devenu un "prisonnier de l'amour ".


 


Comme ils ont commencé à grandir, je suis devenu leur ami. Ils se
sont accrochés à ma fourrure et se sont levés sur leurs jambes
branlantes, ont poussé leurs doigts dans mes yeux, fouillé mes
oreilles, et m'ont donné des baisers sur le nez. J'aimais tout d'eux
et leurs caresses - parce que les tiennes étaient maintenant si peu
fréquentes - et je les aurais défendus avec ma vie si besoin était.


 



J'allais dans leurs lits et écoutais leurs soucis et rêves secrets,
et ensemble nous attendions le son de ta voiture dans l'allée. Il y
eut un temps, quand les autres te demandaient si tu avais un chien,
tu leur montrais une photo de moi dans ton portefeuille et tu leur
racontais des histoires à mon propos. Ces dernières années tu
répondais juste " oui " et changeais de sujet. Je suis passé du
statut de " ton chien" à " seulement un chien, " et vous vous êtes
offensés de chaque dépense pour moi.


Maintenant, vous avez une nouvelle occasion de carrière dans une
autre ville, et vous allez déménager dans un appartement qui
n'autorise pas d'animaux familiers. Tu as fait le bon choix pour ta
" famille", mais il y eut un temps où j'étais ta seule famille.


 


J'étais excité par la promenade en voiture jusqu'à ce que nous
arrivions au refuge pour animaux. Cela sentait les chiens et chats,
la peur, le désespoir. Tu as rempli la paperasserie et as dit : " Je
sais que vous trouverez une bonne maison pour elle." Ils ont haussé
les épaules et vous ont jeté un regard attristé. Ils comprennent la
réalité qui fait face à un chien entre deux âges, même un avec "des
papiers." Tu as dû forcer les doigts de ton fils pour les détacher
de mon col et il a crié " Non, Papa ! S'il te plaît, ne les laisse
pas prendre mon chien !" Et je me suis inquiété pour lui. Quelles
leçons lui avez-vous apprises à l'instant au sujet de l'amitié et la
loyauté, au sujet de l'amour et de la responsabilité, et au sujet du
respect pour toute vie ? Tu m'as donné un " au revoir caresse" sur
la tête, as évité mes yeux, et as refusé de prendre mon collier avec
vous.


 


Après votre départ, les deux gentilles dames ont dit que vous saviez
probablement au sujet de votre départ il y a de cela plusieurs mois
et que vous n'aviez rien fait pour me trouver une autre bonne
maison. Elles ont secoué la tête et ont dit : " Comment est-ce
possible ?".


 


Ils sont aussi attentifs à nous ici dans le refuge que leurs
programmes chargés le leur permettent. Ils nous nourrissent, bien
sûr, mais j'ai perdu l'appétit il y a plusieurs jours. Au début,
chaque fois que quelqu'un passait près de ma cage, je me dépêchais
en espérant que c'était toi, que tu avais changé d'avis, que c'était
juste un mauvais rêve... ou j'espérais tout au moins que ça soit
quelqu'un qui se soucie de moi et qui pourrait me sauver. Quand je
me suis rendu compte que je ne pourrais pas rivaliser avec les
autres chiots qui folâtraient pour attirer l'attention, je me suis
retiré dans un coin de la cage et j'ai attendu.


 


J'ai entendu ses pas quand elle s'approchait de moi en fin de
journée, et j'ai trottiné le long de l'allée jusqu'à une pièce
séparée. Une pièce heureusement tranquille. Elle m'a placé sur la
table et a frotté mes oreilles, et m'a dit de ne pas m'inquiéter.
Mon coeur battait d'appréhension à ce qui était à venir, mais il y
avait aussi un sentiment de soulagement. Le "prisonnier de l'amour"
avait survécu à travers les jours. Comme c'est dans ma nature, je me
suis plutôt inquiété pour elle. Le fardeau qu'elle porte pèse
lourdement sur elle, et je le sais, de la même manière que je
connaissais votre humeur chaque jour. Elle a placé une chaîne
doucement autour de ma patte de devant et une larme a roulé sur sa
joue.


 


J'ai léché sa main de la même façon que je te consolais il y a tant
d'années. Elle a glissé l'aiguille hypodermique habilement dans ma
veine. Quand j'ai senti la piqûre et le liquide se répandre à
travers mon corps, je me suis assoupie, l'ai examinée de mes gentils
yeux et ai murmuré : " Comment as-tu pu ?". Peut-être parce qu'elle
comprenait mon langage, elle a dit " je suis si désolée." Elle m'a
étreint, et m'a expliqué précipitamment que c'était son travail de
s'assurer que j'allais à une meilleure place où je ne serais pas
ignoré ou abusé ou abandonné, où j'aurais à pourvoir moi-même à mes
besoins, une place remplie d'amour et de lumière très différent de
cet endroit. Et avec mes dernières forces, j'ai essayé de me
transporter jusqu'à elle et lui expliquer avec un coup sourd de ma
queue que mon " Comment as-tu pu ?" n'était pas dirigé contre elle.
C'était à toi, Mon Maître Bien-aimé, que je pensais.


 


Je penserai à toi et t'attendrai à jamais.


 


Puisse tout le monde dans ta vie continuer à te montrer autant de
loyauté."